Un silence profond ensevelissait l'étroit passage, creusé sous les fondations de l'ancien palais seigneurial. Le rayon mouvant de la lampelase léchait les dalles disjointes. De temps à autre, des éclats phosphorescents brillaient furtivement dans le faisceau de lumière blanche et Harkot entrevoyait des formes sombres qui se glissaient par les multiples orifices tapissant les parois.
Plus le sénéchal s'enfonçait dans les entrailles du sol et plus étaient nombreux les chatrats, des rongeurs au pelage gris, aux grands yeux ronds et aux oreilles pointues. Cela faisait environ quinze années universelles qu'Harkot n'avait pas remis les pieds dans cet endroit. Précisément depuis qu'il y avait enfermé Pamynx, l'ancien connétable des seigneurs Arghetti et Ranti Ang.
Harkot était le seul être dans l'univers en dehors, bien entendu, des maîtres germes de l'Hyponériarcat à savoir que Pamynx n'avait jamais quitté le sol de Syracusa. La version officielle voulait qu'après avoir accompli son œuvre, l'ancien connétable s'en fût retourné sur Hyponéros pour y goûter un repos bien mérité. Menati Imperator et les siens avaient rapidement enterré le souvenir de celui qui avait su si bien préparer l'avènement de l'empire et de la famille Ang. Le sénéchal lui-même avait eu bien autre chose à faire que de s'intéresser au sort de son complanétaire. Il aurait peut-être fini par oublier jusqu'à son existence s'il n'avait reçu, deux heures plus tôt, une forte impulsion des maîtres germes l'enjoignant de reprendre contact avec le captif.
Harkot, germe atypique et indiscipliné, avait d'abord farouchement résisté à l'impulsion. A force de pénétrer dans les subtils mécanismes mentaux des humains, il lui arrivait de plus en plus fréquemment d'adopter leur mode de fonctionnement et de discuter, voire d'outrepasser les ordres de l'Hyponériarcat. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre ce qui faisait à la fois la force et la fragilité des humains : une manière de faire tourner le grand univers autour du petit univers qui avait pour nom l'ego. Cependant, si d'habitude les maîtres germes ne lui tenaient pas rigueur de ses incartades et le laissaient agir à sa convenance (ils y trouvaient probablement leur compte), ils avaient en l'occurrence démontré une telle détermination, une telle fermeté, une telle virulence qu'il n'avait pas eu d'autre choix que de s'incliner.
En tant qu'antenne majeure de la sixième étape du Plan et Scaythe des échelons supérieurs, Harkot était habilité à prendre des initiatives, mais il lui était très fortement déconseillé d'aller à l'encontre des intérêts fondamentaux de l'Hyponériarcat. Il avait beau se targuer de posséder une conscience individuelle, un ego, il n'en était pas pour autant associé au chœur fondamental de la création. Ses pensées n'avaient aucune influence sur le maintien et l'expansion de l'univers. Même s'ils en avaient égaré le mode d'emploi, cela restait le privilège des humains. Un privilège exorbitant que les Scaythes d'Hyponéros se proposaient justement d'abolir. Harkot était un produit de la cuve matricielle et, s'ils le jugeaient nécessaire, les maîtres germes pouvaient à tout moment le dissoudre et le remplacer par un germe typique. Ils gagneraient en sécurité ce qu'ils perdraient en richesse d'informations...
Et d'ailleurs, ils ne s'étaient pas privés de lui donner un petit acompte de ce qui l'attendait s'il s'entêtait à refuser leur impulsion. L'enveloppe épithéliale et les organes vitaux d'Harkot avaient été pris de brusques tiraillements. Un courant glacé avait fureté sous son crâne, puis il avait été happé par une puissante spirale et précipité dans un gouffre insondable où il avait totalement perdu la notion d'espace et de temps. Son corps ce corps contrefait qu'il haïssait tant avait été dissous dans un gaz acide, brûlant, dont la consistance lui avait rappelé le liquide nourricier des cuves matricielles. Son esprit, son germe, s'était alors échappé de son enveloppe et s'était volatilisé dans l'un des deux conglomérats de l'Hyponériarcat...
Il avait repris connaissance dans le conversoir de ses appartements du palais Arghetti-Ang. Trois bonnes minutes lui avaient été nécessaires pour renouer avec le fil de son existence, pour recouvrer sa mémoire cérébrale. Il s'était rendu compte que cette impulsion de dissolution n'avait été qu'une suggestion mentale, une illusion télépathique... Un simple avertissement... Il en avait d'abord été soulagé, car en tant que germe égocentrique il tenait à cette perception individuelle, subjective, de lui-même. Puis de nouvelles perspectives s'étaient ouvertes à lui : s'il voulait conserver la vie (c'était bien ça, la vie, ce sentiment délicieusement superflu d'exister par soi-même), il devrait désormais apprendre à calculer, à tricher. Il ne cernait pas les intentions réelles des maîtres germes, mais il s'efforcerait dorénavant de leur donner satisfaction. Aiguillonné par la peur de la dissolution comme les humains étaient aiguillonnés par la peur de la mort.
C'est dans ces nouvelles dispositions qu'il se rendait auprès de Pamynx, enfermé depuis plus de quinze ans dans une cellule souterraine de Vénicia. Il avait revêtu une acaba blanche de la Protection et parcouru à pied les dix kilomètres qui séparaient le nouveau palais impérial de l'ancien palais seigneurial, érigé sur les hauteurs du quartier de Romantigua. Ni les patrouilles nocturnes de l'interlice ni les rares passants ne lui avaient prêté attention. Quant au cordon de gardes pourpres qui ceinturait l'antique construction, transformée en lieu de résidence pour les invités de marque, il n'avait pas eu à le franchir : il avait emprunté un souterrain qui partait directement d'une ruelle voisine et dont l'entrée était dissimulée par un décor en trompe-l'œil. Un seul autre être vivant dans l'univers connaissait l'existence de ce passage, hérissé à intervalles réguliers de sas blindés et codés : Pamynx.
Au fur et à mesure qu'il se rapprochait de la lourde porte de fer de la cellule, une certaine excitation gagnait Harkot. Il était curieux de savoir dans quel état il retrouverait le prisonnier après ces longues années de captivité dans ce réduit insalubre. Certes, à la différence des humains, les Scaythes ne possédaient pas de système sanguin, se passaient donc fort bien d'oxygène, d'eau et de nourriture, et certains germes avaient même survécu plus de mille années universelles sur des planètes totalement privées de ressources (donnée informative historique implantée lors du séjour dans la cuve matricielle). Mais quel serait l'impact de l'enfermement et du silence sur un germe qui, comme Pamynx, avait toujours vécu dans le bruit et la fureur des humains ?
Le faisceau de la lampelase heurta un éboulis de terre et de pierres. En cet endroit, la voûte s'était effondrée et les coulées de boue, en se solidifiant, avaient formé des stalactites. Quelques chatrats se dispersèrent en poussant des miaulements aigus. Leurs queues ébouriffées disparurent dans les interstices des parois.
Curieux destin que celui de ces animaux, se dit Harkot. Une existence entièrement consacrée à reproduire les automatismes de l'instinct. Ni heureux ni malheureux. Prolifèrent dans les endroits délaissés par les humains. Dans l'ombre des humains. Humbles vassaux des humains...
Une pellicule verdâtre recouvrait la porte métallique de la cellule. Le sens olfactif des Scaythes n'était en général pas très développé l'odeur, un signe de reconnaissance dérisoire pour un germe , mais la puanteur des moisissures qui imprégnait l'air confiné du souterrain stimulait fortement certains implants nerveux de l'encéphale d'Harkot.
Il lui fallut cinq minutes pour dégager l'antique boîtier d'ouverture de la porte, enseveli sous une épaisse couche de terre. Puis ses doigts de son enveloppe corporelle, c'étaient encore les doigts qu'il détestait le plus : ces protubérances de chair crevassée et verdâtre n'étaient que les cousines lointaines des gracieux appendices ongulés des humains , ses doigts donc coururent sur les touches rondes et dures de la console. Il n'avait aucun effort à fournir pour se souvenir de la combinaison du code. Il lui suffisait de puiser l'information dans le compartiment approprié de sa mémoire cérébrale.
Le loquet mécanique de la serrure s'extirpa de son pêne dans un claquement sec. Puis la porte pivota sur ses gonds en émettant un insupportable grincement. Harkot se glissa par l'entrebâillement et pénétra dans la cellule, une pièce basse, exiguë, excavée directement dans la terre et le roc. Sous le règne du Comité planétaire, elle avait constitué le point de départ d'un inextricable réseau souterrain où avaient été enfermées, torturées et assassinées de nombreuses familles de la noblesse syracusaine. Un labyrinthe de l'horreur dont le premier seigneur Ang, Mikeli, avait ordonné le comblement définitif à l'issue des guerres artibaniques. Des spécialistes de l'histoire antique affirmaient que, si on leur donnait l'autorisation d'effectuer des fouilles dans les fondations du palais seigneurial, ils en exhumeraient probablement le squelette d'Artibanus Saint-Noil, le grand libérateur syracusain mystérieusement disparu dans les heures qui avaient suivi la victoire de ses armées. Une thèse à laquelle s'opposaient farouchement les historiographes officiels de la cour impériale...
Le faisceau mouvant de la lampelase capta d'abord un amoncellement de squelettes, affola les rares chatrats que le brusque vacarme n'avait pas décidés à déguerpir, lécha le sol inégal, les murs obliques, le plafond sommairement étayé par des chevrons métalliques et rouillés.
«Je vous attendais, monsieur l'expert... »
L'être qui venait de contacter mentalement Harkot ne pouvait être que Pamynx. Il y avait bien longtemps plus de quinze années universelles que le sénéchal n'avait pas été affublé de son ancien titre d'expert. Pourtant, la lumière crue de la lampelase ne révélait aucune silhouette, aucune acaba, aucun corps... Rien d'autre qu'un sol jonché d'ossements, de pierres et de déjections de chatrats.
Harkot crut d'abord que l'Hyponériarcat avait séparé Pamynx de son enveloppe corporelle. Mais ses données de base l'informèrent qu'un germe dissocié de son enveloppe était systématiquement dissous dans l'un des deux conglomérats avant d'être éventuellement replongé dans une cuve matricielle et de recevoir un nouveau conditionnement, une nouvelle identité.
Quelque chose bougea devant Harkot. Il distingua une forme brune qui émergeait lentement de la paroi du fond. Il comprit pourquoi il ne l'avait pas remarquée d'emblée : recroquevillée dans une cavité du mur, elle avait été peu à peu ensevelie sous les effritements de terre provoqués par les incessants mouvements de la croûte planétaire.
Le connétable Pamynx se dressa de toute sa hauteur dans le faisceau de la lampelase. Il était nu, si tant est que le concept de nudité revête un sens quelconque pour les Scaythes. D'un ample mouvement du bras, il épousseta son écorce épithéliale, recouverte d'une épaisse couche de terre. Ses yeux globuleux et jaunes recouvrèrent peu à peu leur intensité lumineuse originelle.
Harkot eut la désagréable sensation de se contempler dans un miroir. Il présuma que les courtisans ressentaient le même dégoût lorsqu'ils le regardaient. Les maîtres germes avaient raison : il ne ferait jamais partie du chœur de la création. Il se demanda si l'Hyponériarcat n'avait pas volontairement doté d'apparences hideuses les dix mille Scaythes de la conquête matricielle : on ne s'identifie pas à ceux qui vous méprisent.
« Désolé de me présenter devant vous sans mon acaba, monsieur l'expert. Les chatrats l'ont entièrement rongée... Souhaitez-vous utiliser la communication mentale ou la communication orale ?
La communication mentale me conviendra parfaitement, répondit Harkot, abaissant instantanément les vibrations de ses ondes télépathiques, très fines, au niveau de celles, plus grossières, de son interlocuteur... A moins que vous ne souhaitiez vous-même entendre le son de votre voix.
Non. Je me suis habitué au silence qui règne sur cet endroit. Il me rappelle le silence de la cuve matricielle... »
Ils cessèrent d'émettre pendant quelques minutes. Ils ignoraient les raisons pour lesquelles les maîtres germes avaient programmé leur rencontre dans cette cellule et cette absence d'information les déroutait. Les Scaythes n'étaient ordinairement régis que par de stricts rapports hiérarchiques. Il n'existait aucune relation personnelle, affective, subjective, entre les Scaythes des échelons supérieurs, conditionnés pour commander, et les autres, protecteurs, assistants, surveillants, effaceurs, planifiés pour obéir. Or Pamynx et Harkot n'avaient ni l'un ni l'autre d'ordre à donner et/ou à recevoir.
«Plus personne ne m'appelle "monsieur l'expert", hasarda Harkot.
L'impulsion des maîtres germes qui m'a annoncé votre visite m'a également appris que vous aviez été nommé sénéchal de l'Ang'empire. Si j'étais humain, je me montrerais très fier de mon élève.
Et vous ne l'êtes pas ?
Non. J'ai étudié le mécanisme de la fierté, ainsi que la plupart des autres mécanismes mentaux humains, mais c'est une notion qui me reste étrangère. En revanche, je perçois en vous des impulsions cérébrales qui ressemblent fort à des émotions. La condition humaine vous fascine, monsieur le sénéchal... »
Harkot fut d'abord surpris de la facilité avec laquelle
Pamynx l'avait percé à jour. Puis il se souvint qu'il avait dû abaisser la vibration de ses ondes cérébrales pour soutenir la conversation avec l'ancien connétable. Ce faisant, il avait ouvert une brèche dans ses défenses et son interlocuteur en avait instantanément profité pour s'y engouffrer.
«Je ne vous reproche pas cette attirance, poursuivit Pamynx. Elle était nécessaire à la conquête matricielle. La preuve : vous êtes devenu l'antenne majeure de la sixième étape du Plan. Les maîtres germes avaient probablement besoin d'informations complémentaires sur le mécanisme émotionnel des humains.
Selon vous, l'Hyponériarcat m'aurait volontairement conçu atypique...
L'irrationnel, l'illogisme, l'impulsivité, tels sont les principaux traits de caractère des humains. Un mot suffit à résumer l'aberration de leur comportement : l'affect. Qu'importe leur monde de résidence, qu'importe leur position sociale, qu'importe leur fonction ? Tous, tous ils éprouvent le besoin primai, fondamental, d'être reconnus, d'être aimés. Pour un germe logique, à la recherche de l'efficacité absolue, l'affect est une notion absurde, inconcevable.
Restons en ce cas dans le domaine logique, monsieur le connétable. Comment une entité comme l'Hyponériarcat, totalement hermétique au concept de sentiment, aurait-elle pu implanter un désir d'affect dans la mémoire de l'un de ses germes ?
Mes données informatives restent très incomplètes à ce sujet. Je suis simplement autorisé à vous dire que les maîtres germes ont prévu une zone de carence dans vos circuits cérébraux. Un manque qui vous a conduit à vous identifier à votre environnement et que vous avez cherché à combler par un désir de reconnaissance individuelle. Vous représentez désormais une banque de données très importante pour l'Hyponériarcat... »
Rassurés par l'immobilité des deux Scaythes, quelques chatrats s'aventurèrent hors de leur cachette et commencèrent à tourner autour de l'acaba d'Harkot. Ils évitaient toutefois de traverser la flaque lumineuse abandonnée par la lampelase sur le sol et sur le bas du mur.
« Vous êtes déçu, n'est-ce pas, monsieur le sénéchal ? reprit Pamynx. Vous présumiez que votre évolution était le fruit de vos seuls mérites. Vous vous êtes engouffré dans votre propre manque avec la même voracité que les humains. Mais, à la différence de vos modèles, votre vide est un vide artificiel, un leurre, un artefact, et il ne vous apportera aucune réponse, il ne vous conduira nulle part, sauf peut-être à la souffrance... »
Harkot frappa du pied un châtrât particulièrement intrépide qui mordillait le bas de son acaba. Il prit conscience qu'il était, comme ce rongeur, un être immolé à la cause commune, un individu que l'on avait poussé à prendre tous les risques, que l'on avait exposé aux coups, à la douleur. La brutalité châtiait la hardiesse du châtrât, la souffrance morale sanctionnait la différence d'Harkot. Il se rendit également compte que ce n'était pas le germe Pamynx qui s'adressait à lui, mais l'Hyponériarcat à travers lui. Il se demanda à quoi rimait cette mise en scène. Les maîtres germes auraient très bien pu communiquer avec lui par l'entremise des impulsions.
Les rongeurs, avertis du danger, s'égaillèrent en poussant des miaulements d'effroi.
« Votre sensation de souffrance est aussi illusoire que votre vide, monsieur le sénéchal.
Comment pouvez-vous affirmer cela ? Vous ne savez pas de quoi vous parlez.
Peut-être, mais il suffit de vous implanter un nouveau programme neurologique pour combler ce manque artificiel et reconstituer la cohérence de votre germe. Mes données de base contiennent ce programme.
Et si je refuse ?
Vous serez dissous dans l'un des deux conglomérats et nous reconditionnerons votre germe dans une autre enveloppe. Puis nous préparerons les humains à recevoir votre successeur... Une étape supplémentaire... Une éventuelle perte de temps qui a été prise en compte dans les probabilités...
Dans quel but tout cela ? Pourquoi ne pas simplement tuer les humains par les ondes de mort ?
Je ne dispose pas des éléments d'information pour répondre convenablement à cette question. Je n'étais que l'antenne majeure de la cinquième étape, chargée de mettre en place le système de la protection mentale et de favoriser l'avènement d'un pouvoir centralisé. Ma tâche : un seul gouvernement, une seule religion pour les mondes du bord de la Voie lactée... Et l'ordre absourate constituait ma cible prioritaire : il était à la fois le symbole et le garant d'un système de gouvernement pluriel très difficile à contrôler. Votre rôle à vous, antenne majeure de la sixième étape, consistait à mettre en place les miradors à pensées, à développer le projet des Scaythes effaceurs et à éradiquer toute trace de science inddique de la surface des mondes recensés.
C'est exactement ce que je me suis appliqué à...
En partie... en partie seulement. Vous ne savez toujours pas où se terrent nos vrais adversaires : Aphykit Alexu, Tixu Oty d'Orange et leurs guerriers du silence.
Détrompez-vous, monsieur le connétable : j'ai retrouvé leur piste. Il se trouve simplement que je n'ai pas encore transmis cette information aux maîtres germes.
Dites plutôt que vous l'avez volontairement dissimulée. Vos ondes sont suffisamment subtiles pour échapper aux impulsions de perquisition. Aviez-vous des raisons de garder cette information par-devers vous ?
Le secret... l'efficacité... la rentabilité...
Un comportement irrationnel, humain, monsieur le sénéchal. Les maîtres germes ont un besoin vital de ce renseignement pour compléter leurs données... »
Le coup de pied qui lui avait endolori le museau ne dissuada pas le châtrât intrépide de revenir à la charge. Harkot sentit ses puissantes incisives se refermer sur le tissu épais de son acaba, mais cette fois-ci, le sénéchal laissa le rongeur se suspendre par les griffes à son vêtement.
« Par quel biais avez-vous recoupé la piste des guerriers du silence ? insista Pamynx. Leurs rudiments de science inddique les protègent des inquisitions mentales. N'avez-vous pas été abusé par les innombrables légendes qui circulent à leur sujet ?
J'ai beau être un sujet atypique, je sais encore faire la différence entre un mythe et la réalité, monsieur le connétable... Je me suis appuyé sur une étrange faculté de dame Sibrit.
Qu'est-ce que l'impératrice vient faire dans cette histoire ?
J'ai constaté que ses rêves, ces pures expressions de l'inconscient, ouvraient parfois des portes sur le futur, comme si elle effectuait un saut dans l'espace-temps... Elle avait ainsi prévu la mort de Tist d'Argolon, la mort de Ranti Ang et de ses deux enfants mâles...
D'après mes données cérébrales, ces types de pouvoirs sont des réminiscences de l'état originel des humains... des comètes furtives qui se promènent dans leur espace intérieur... des bribes éparses de la science inddique...
J'ai également remarqué qu'elle rêvait de temps en temps d'un homme et d'une femme qui n'étaient autres que Naïa Phykit et Sri Lumpa. La fille Alexu et Tixu Oty l'Orangien, si vous préférez... Comment pouvait-elle reproduire de manière aussi précise l'image d'individus qu'elle n'avait jamais vus? J'ai présumé qu'ils étaient réunis par d'imperceptibles liens (ces réminiscences de l'état originel humain, peut-être) et que, tôt ou tard, l'impératrice finirait par me ramener sur leur piste. J'ai donc fait installer une pièce secrète près des appartements de dame Sibrit et, nuit après nuit, j'ai surveillé ses rêves...
Il est vrai que vous étiez le seul à pouvoir forcer le barrage mental dressé par ses protecteurs sans qu'ils s'en rendent compte.
Tous mes élèves en sont à présent capables... Mais nous préférons garder cette information secrète et laisser croire aux humains qu'ils jouissent encore de la protection mentale.
"Nous "... Attention ! vous êtes en train de sacrifier votre belle individualité, monsieur le sénéchal... »
L'humour de Pamynx de l'Hyponériarcat prit Harkot au dépourvu. L'humour n'était pas une caractéristique scaythe.
« N'oubliez pas que nos données évoluent en même temps que les vôtres, ajouta Pamynx. Vous êtes le germe qui a implanté l'humour dans la mémoire centrale de l'Hyponériarcat... Mais vous évoquiez des songes de dame Sibrit...
Au fur et à mesure que s'écoulaient les années, ses rêves se rapportaient de plus en plus souvent à la fille Alexu et à Tixu Oty. J'ai su qu'ils vivaient sur une planète déserte, qu'ils avaient donné naissance à une fille prénommée Yelle et qu'ils avaient initié des disciples, peu nombreux, une petite centaine, à la pratique de la science inddique. Les légendes parlent également d'un certain mahdi Shari des Hymlyas, mais je n'ai jamais rencontré ce dernier dans les voyages nocturnes de l'impératrice. J'ignore donc si ce personnage recouvre une quelconque réalité... »
Le châtrât, accroché par les dents et les griffes à l'acaba, donnait de puissants et violents coups de tête et Harkot était obligé de se pencher en arrière pour résister à la traction du rongeur.
« Toutefois, les rêves ne précisaient pas de quelle planète il s'agissait. C'était un monde naturellement habitable pour les humains... comme il en existe des milliers sur les bords de la Voie lactée. Il n'était pas question d'expédier des inquisiteurs et des mercenaires de Pritiv en mission de reconnaissance : les guerriers du silence possèdent leurs propres surveillants, des guetteurs qui se relaient sans cesse et qui détectent la moindre vibration mentale à des milliers de kilomètres...
Nous ne pourrons donc jamais les approcher...
Un peu de patience, monsieur le connétable... Voyant que mes recherches ne progressaient pas, j'ai pris le risque d'entrer dans les rêves de dame Sibrit. Au début, je n 'ai obtenu aucun résultat : même inconsciente, elle se méfiait de moi. J'ai alors compris que je devais lui apparaître sous la forme d'un personnage familier, de l'un des personnages qui ont bercé son enfance, par exemple. En fouillant dans ses archives inconscientes, j'ai découvert qu'elle restait très marquée par les contes animaliers de Ma-Jahi, sa province d'origine. Elle vouait une affection très particulière à Wal-Hua, un oursigre des plateaux à la fourrure d'optalium rose, aux yeux d'émeraude et aux griffes de diamant. A partir de cet instant, je lui ai suggéré que j'étais ce Wal-Hua et j'ai pu me promener en toute liberté dans ses rêves... Les rêves humains sont étranges, monsieur le connétable : au premier abord, il paraît impossible de trouver une cohérence à cette succession syncopée d'images, il semble que ni la raison ni la logique n'aient leur place dans cet univers gouverné par l'arbitraire, par l'absurde...
Et pourtant, les rêves humains ont un impact sur l'équilibre de l'univers, intervint Pamynx. C'est le pouvoir extravagant que leur confère leur statut.
Je vous épargnerai les détails, monsieur, mais sachez qu'à force d'insister, je suis parvenu à m'insérer dans le continuum des rêves de l'impératrice. Wal-Hua est devenu le personnage central des nuits de dame Sibrit. Chaque fois qu'apparaissaient la fille Alexu et Tixu Oty, je lui ai posé des questions, je l'ai contrainte à préciser les choses. Cela m'a pris douze années universelles, douze années à veiller toutes les nuits dans le réduit aménagé près de ses appartements hormis, bien sûr, les périodes plus ou moins longues où les affaires de l'Ang'empire m'appelaient sur d'autres mondes mais je suis arrivé à mes fins : je sais maintenant où se cachent les guerriers du silence... »
Harkot cessa d'émettre et observa pendant quelques secondes le châtrât pendu à son acaba, agité de violents soubresauts. Ses congénères, plus craintifs, demeuraient à distance respectable des deux Scaythes.
« Savoir est une chose, agir en est une autre, monsieur le sénéchal. Vous auriez du faire part de vos découvertes aux maîtres germes.
Je n'ai eu nul besoin de recourir aux conseils de l'Hyponériarcat pour prendre mes dispositions, monsieur le connétable. J'avais tous les éléments : la cible et les moyens d'atteindre cette cible... La fille Alexu et Tixu Oty l'Orangien seront bientôt neutralisés. Définitivement.
Votre requête auprès de la Gardienne de la Porte est-elle liée à votre objectif?
Avant de vous répondre, je souhaite être éclairé sur les mobiles réels de notre entrevue...
Dites plutôt que vous voulez être fixé sur le sort réservé à votre individualité, à votre "je", à votre ego... Est-ce auprès des humains que vous avez ainsi appris à manier le chantage ? »
L'acaba d'Harkot se déchira dans un crissement feutré. Le châtrât retomba sur le dos, un large pan d'étoffe blanche coincé entre les pattes. Il n'eut pas le temps de se relever, encore moins d'aller mettre son précieux butin à l'abri : ses congénères se ruèrent sur lui, toutes griffes dehors, et le lui arrachèrent sans pitié, morceau après morceau. Il tenta de se défendre mais ils étaient trop nombreux et, poussant des miaulements suraigus, agressifs, ils le criblèrent de coups de griffes et d'incisives. Des corolles pourpres s'épanouirent sur sa fourrure grise. Il cessa de se débattre et se laissa dépouiller de son bien. L'instinct de survie reprenait le dessus. Harkot en fut inexplicablement déçu.
«La déception... une autre caractéristique humaine, reprit Pamynx. Votre temps s'achève, monsieur le sénéchal. Les dix mille germes de la conquête matricielle, répartis sur les trois cent soixante dix-sept planètes investies par les races humaines, tendent un filet aux mailles de plus en plus resserrées. Le moment est venu de déployer l'antenne majeure de la septième étape du Plan...
Comme vous avez déjà pu vous en apercevoir, j'ai établi des défenses infranchissables autour de certaines de mes données cérébrales, riposta Harkot. Elles requièrent expressément ma volonté pour être accessibles. Si vous me dissolvez dans l'un des deux conglomérats, vous perdrez définitivement la trace de la fille Alexu et...
Qui vous parle de dissolution ?
En ce cas, que signifie l'expression "votre temps s'achève" ? »
S'ensuivit un long temps de silence pendant lequel Harkot perçut nettement les multiples frémissements de l'Hyponériarcat dans l'encéphale de son complanétaire.
« Votre temps en tant que germe unique, répondit enfin Pamynx.
Précisez...
Vous êtes désormais le noyau fondateur d'un troisième conglomérat... »
Harkot jeta un bref coup d'œil sur le châtrât blessé dont l'abdomen ensanglanté se soulevait de manière convulsive, précipitée.
« Ma mémoire cérébrale ne contient pas les implants de formation d'un conglomérat...
Je détiens ces données, affirma Pamynx. Ne vous ai-je pas entretenu, il y a quelques minutes, d'un programme destiné à combler votre vide, votre manque ?
Comment envisagez-vous de me les implanter ?
En opérant la première fusion du troisième conglomérat, monsieur le sénéchal... En amalgamant mon germe au vôtre... Vous ne perdrez rien de cette perception subjective à laquelle vous semblez tant tenir. Elle sera seulement enrichie de l'apport de mes données.
Vous et moi... l'antenne majeure de la septième étape du Plan...
Beaucoup plus que cela. Nous pourrons lancer des impulsions de dissolution chaque fois que le besoin s'en fera ressentir, reconditionner des germes dans de nouvelles enveloppes. Ma mémoire renferme la composition chimique du liquide nourricier des cuves matricielles. Ce sous-sol m'apparaît tout indiqué pour l'installation de nouvelles cuves... Nous y serons tranquilles pour transformer les protecteurs en effaceurs, par exemple... Quand je dis "nous", je ne cherche pas à rogner votre précieuse individualité... »
Harkot ne put s'empêcher d'éprouver une certaine jubilation (la jubilation, une excroissance perverse de l'égocentrisme). Non seulement l'Hyponériarcat ne faisait plus planer la menace de la dissolution au-dessus de sa tête, mais encore il reconnaissait ses mérites et lui donnait les moyens les moyens considérables d'un conglomérat de poursuivre ses recherches individuelles dans le domaine émotionnel et cérébral. Les maîtres germes reconnaissaient implicitement le bien-fondé de sa démarche. Ils choisissaient de s'engouffrer dans la voie périlleuse qu'il avait défrichée plutôt que de le contraindre à réintégrer les allées rectilignes qu'ils avaient balisées. En tant que conglomérat, il aurait désormais accès aux données intégrales de la mémoire collective d'Hyponéros. Le Plan de conquête matricielle lui serait dévoilé dans son entier. Dorénavant, aucune décision ne se prendrait sans son aval.
Il n'y avait cette fois aucune compassion la compassion, un sentiment qui induisait automatiquement la souffrance dans le regard qu'il lança au châtrât allongé, les pattes en l'air, sur le sol de terre battue. Le rongeur blessé offrait à présent le spectacle insupportable de la défaite, du sacrifice absurde à l'intérêt collectif. Sans lui, ses congénères moins courageux n'auraient jamais eu l'opportunité de se faire les dents et les griffes sur le tissu rêche, et pourtant ils ne se préoccupaient pas de lui, il se vidait de son sang dans l'indifférence générale.
Harkot se pencha, ramassa une grosse pierre et l'abattit de toutes ses forces sur le crâne du châtrât. Des éclats de cervelle et d'os éclaboussèrent l'ample manche de son acaba.
« Vous avez eu moins de patience que moi, monsieur le sénéchal. Je n'ai pas tué un seul de ces rongeurs en quinze années de captivité. Dans les premiers temps, je me suis distrait à les observer puisque je n'avais rien d'autre à faire. Il m'a fallu environ deux heures pour comprendre les mécanismes principaux de leur instinct, trois heures supplémentaires pour imiter le cri et les attitudes des mâles dominants, une demi-heure pour prendre leur place... Un simple amusement... Je me suis désintéressé d'eux lorsque les femelles sont venues me solliciter. Je pouvais difficilement leur expliquer que j'étais dépourvu d'organe de reproduction. Je les ai donc laissés ronger mon acaba, puis je me suis installé dans cette niche où mon encéphale s'est déprogrammé de lui-même. J'ai alors perdu toute notion du temps. Jusqu'à ce que je reçoive cette impulsion de l'Hyponériarcat qui m'annonçait votre visite...
Par quel moyen opérerons-nous l'amalgame de nos germes ? s'enquit Harkot.
Par la jonction de nos bouches... Elles ne servent pas seulement de caisses de résonance vocale... Etes-vous prêt ? »
Harkot se redressa. A cet instant, une pensée empoisonnée lui traversa l'esprit : les maîtres germes n'étaient-ils pas en train de lui jouer un tour à leur façon ? Les données implantées par Pamynx n'effaceraient-elles pas sa vision égocentrique de l'univers, sa perception subjective de lui-même ? N'avait-on pas feint d'accepter ses conditions et de l'élever au rang d'entité souveraine pour piller ses données secrètes et mieux le reconditionner ?
« Voyez où la méfiance a conduit les races humaines, monsieur le sénéchal : au bord du gouffre... Dix mille germes d'Hyponéros auront suffi à anéantir des centaines de milliards d'êtres humains...
Dans quel but ?... Dans quel but ? »
Les ondes télépathiques d'Harkot, brutales, excitaient l'ensemble des implants nerveux de son encéphale. Il fallait une réponse impérative à cette question. Il balaya ses soupçons et se rapprocha de Pamynx. L'ancien connétable se pencha sur lui et posa précautionneusement les bords saillants et craquelés de sa bouche (on pouvait difficilement appeler ça des lèvres) sur sa propre cavité buccale.
Harkot trouva parfaitement grotesque cette caricature de baiser. Il avait parfois surpris des hommes et des femmes à s'embrasser à pleine bouche, mais, si cette fusion des lèvres souples et luisantes avait quelque chose de fascinant chez les humains, l'étreinte entre deux Scaythes d'Hyponéros tenait de l'aberration, de l'absurdité.
Harkot sentit un brusque afflux de chaleur au niveau du crâne. Il crut que ses circuits nerveux n'accepteraient pas cette brutale montée d'énergie. Puis il recouvra progressivement son calme intérieur et se rendit compte qu'il avait désormais accès à de nouvelles et fantastiques informations. A la mémoire intégrale de l'Hyponéros... Dès lors, les humains lui furent révélés sous leur vrai jour et il se promit de tout mettre en œuvre pour les anéantir jusqu'au dernier.
Les données de la cuve ne précisaient pas pour quels motifs l'entité une non-force, une négation absolue davantage qu'entité d'une puissance inouïe, terrifiante, qui avait créé l'Hyponéros, s'acharnait ainsi contre les races humaines. Harkot devinait que d'autres combats, plus fondamentaux, se déroulaient dans des sphères où il n'avait pas accès. Il n'en avait cure : son manque était comblé et il lui suffisait d'être l'arme ultime qui pousserait définitivement les hommes dans le gouffre du néant. Les maîtres germes de l'Hyponériarcat n'avaient rien laissé au hasard : ils l'avaient conditionné de manière que les humains exercent sur lui une fascination quasi hypnotique, puis, lorsqu'ils l'avaient estimé suffisamment identifié à ses modèles, ils avaient comblé son vide artificiel par des données chargées d'une haine féroce, implacable.
L'enveloppe corporelle de Pamynx, définitivement dépouillée de son germe vital, s'affaissa comme un sac vide sur la terre battue. Les chatrats, surexcités par la perspective de dépecer un cadavre, se ruèrent sur la dépouille de l'ancien connétable. En pure perte : elle se transforma en une fine pellicule de poussière ocre avant qu'ils n'aient eu le temps de donner le premier coup de dents.
Rose Rubis, l'astre du premier jour, parait la voûte céleste de somptueuses rosaces vermeilles lorsque le sénéchal Harkot, noyau du troisième conglomérat d'Hyponéros, déboucha dans la ruelle étroite du quartier de Romantigua. Bien que son acaba s'ornât d'une large déchirure et de débris de cervelle, les interliciers n'osèrent pas l'interpeller.
CHAPITRE V
Ces événements se déroulèrent bien avant que la sorcière nucléaire et ses fils les atomes de fission ne s'en retournent dans le sein d'Harès, bien avant que le désert nucléaire de notre mère Ut-Gen ne redevienne une vallée riante... Je ne sais pas combien de bouches ont raconté cette histoire avant moi... En ce temps-là, il advint qu'un petit surfaceur partagea le sort des quarantains rescapés du Terrar. Pourquoi se trouvait-il là ? Nul ne le sait, sauf peut-être le mahdi Shari des Hymlyas, lui qui voit dans les cœurs... Il s'enfuit par la galerie d'évacuation mais, de l'autre côté de la grande barrière isolante, des milliers de corbonucles aux becs lumineux l'assaillirent. Il fut sauvé et recueilli par les rats du désert, commandés par le terrible trar Godovan. Ainsi furent nos ancêtres de la zone contaminée : ils n'hésitèrent pas à secourir un surfaceur, l'un de ceux qui avaient ordonné le gazage et le comblement des puits du Terrar. En vérité je vous le dis, un bienfait n'est jamais perdu... Au cours de la nuit, les terribles hyènes tachetées du cœur de la zone irradiée attaquèrent la flotte atomique des rats du désert... Trois jours et trois nuits dura la bataille, mais tant les hyènes étaient nombreuses qu'elles finirent par vaincre la résistance héroïque des hommes du trar Godovan. Au moment où elles se jetaient sur eux pour les dévorer, le petit surfaceur se présenta devant elles et entonna un chant du silence. Et les hyènes, ensorcelées, se couchèrent à ses pieds. Le petit surfaceur leur donna le baiser du pardon, puis elles s'éloignèrent en pleurant. Et leurs larmes s'enfoncèrent dans le sol et donnèrent naissance au grand fleuve Miséricorde, ce même fleuve qui s'écoule, paisible, derrière moi... Depuis ce jour, les hyènes tachetées ont disparu et nul ne les a jamais revues. On prétend qu'elles se sont métamorphosées en anges de lumière et pour ma part je crois que c'est vrai... Quant au petit surfaceur, la question s'est posée de savoir s'il s'agissait d'un guerrier du silence... Moi, je poserai la question suivante: n'était-il pas tout simplement le 4 mahdi Shari des Hymlyas ?
Légende orale rapportée par Lonnez, trar-sorcier de l'ancien désert nucléaire d'Ut-Gen.